Une paix parfaite
de Vanessa Brobbel, gestionnaire des projets spéciaux
Je vous ai parlé ainsi, pour que vous ayez la paix en moi. Vous aurez des tribulations dans le monde; mais prenez courage, moi, j’ai vaincu le monde.
~ Jean 16.33, La Colombe
Lors du concours d’art 2025 de La Voix des Martyrs Canada (VdMC), nous demandons aux artistes canadiens d’allier deux concepts : imagination et paix parfaite.
Quelle forme visuelle donner à une « paix parfaite »? Cette paix revêt-elle le même aspect pour un chrétien et un non-croyant? Avant de répondre à cette question, veuillez prendre le temps de lire mon message, ci-dessous :
La Voix des Martyrs Canada a fait partie de notre vie dès le début. Mes beaux-parents, Klaas et Nellie Brobbel ont fait la connaissance des Wurmbrand l’année où mon mari, Floyd, est né, et j’ai vu le jour les mêmes mois et année que la mission canadienne.
Il peut devenir difficile d’écouter des récits de souffrance jour après jour. Nous avons parfois tendance à nous refermer un peu, simplement pour faire ce qui doit l’être. Ceux qui s’occupent à temps plein de personnes soumises à une grande persécution n’exultent pas constamment de joie et ne voient pas toujours la vie en rose. Il est facile de s’enliser dans les tâches quotidiennes. Nous sommes humains, et le Seigneur permet que nous soyons éprouvés à l’occasion afin de nous recentrer sur ce qui importe : la raison pour laquelle nous faisons ce travail et la nécessité de compter sur Dieu sans cesse pour y arriver.
Avant de devenir le PDG de VdMC, Floyd était responsable des ministères internationaux. Il voyageait fréquemment et se rendait d’ordinaire dans des pays que la plupart des habitants fuyaient. Nous priions fidèlement, et le faisons encore, pour tous les voyages missionnaires que nous entreprenions afin de veiller à réaliser les desseins de Dieu au lieu d’accomplir simplement les nôtres.
Il y a des années, Floyd devait aller près de la frontière qui sépare le Kenya et la Somalie. Dans cette région particulièrement instable, se dire chrétien, c’est risquer la mort. Environ une semaine avant le départ de Floyd, j’ai souvent fait un rêve m’indiquant qu’il devait partir. Cependant, je savais qu’il était aussi possible qu’il ne rentre jamais à la maison. Je craignais d’en parler à Floyd, mais j’ai continué de faire ce rêve jusqu’au jour de son départ.
Ce matin-là, en nous rendant à l’aéroport, nous nous sommes arrêtés pour déjeuner. Pendant que nous mangions, je lui ai finalement raconté le rêve qui me tourmentait. Sans que je le sache, Floyd avait ressenti la même chose que moi durant ses moments de prière. Nous étions absolument convaincus qu’il devait partir, mais sans avoir aucune assurance de son retour.
Inutile de préciser que nos adieux ont été émouvants. Cependant, nous aimons Dieu tous les deux et nous nous sommes engagés à le servir en tout temps, et non seulement lorsque c’est facile. Nous croyons que nous ne sommes jamais autant en sécurité qu’entre les mains de l’Éternel et du Tout-Puissant qui s’est sacrifié pour nous. Comment pourrions-nous lui offrir moins que notre tout?
Je dis souvent à nos enfants que le Seigneur s’intéresse bien plus à notre caractère qu’à notre confort, mais que, comme il est digne de confiance, il ne veut pas notre perte. Je pouvais m’entendre redire ces paroles en faisant un dernier câlin à Floyd avant l’embarquement.
Après son départ, j’ai vécu les dix journées les plus longues de ma vie. Lorsque Floyd voyage, nous ne communiquons pas, en général, jusqu’à son retour, pour des raisons de sécurité et aussi parce que la communication est parfois mauvaise. Je suis toujours surprise quand il me donne de ses nouvelles alors qu’il est à l’étranger. J’ai donc attendu en « silence radio » au fil de ces dix jours.
Lorsque Floyd est enfin revenu sain et sauf au pays, j’ai été incroyablement soulagée de le voir apparaître. Je me suis néanmoins demandé pourquoi le Seigneur avait permis que nous vivions autant d’incertitude.
Non seulement le voyage de Floyd a été couronné de succès, mais cette expérience a aussi beaucoup affermi sa foi. Un pasteur à qui il rendait visite lui a décrit la situation des chrétiens là-bas en ajoutant qu’être pasteur parmi des gens s’opposant avec autant de véhémence à l’Évangile constituait un fardeau. Sa femme a renchéri : « Oui, chaque jour, quand il passe la porte, j’ignore s’il la franchira de nouveau. »
Ce commentaire nous a frappés. Voilà pourquoi le Seigneur avait permis que nous fassions cette expérience : afin de ressentir — au plus profond de nous-mêmes — ce que ceux que nous servons éprouvent chaque jour! Lors de chaque nouveau lever de soleil, ils croient que, malgré ce qui peut leur arriver, le Seigneur les accompagne dans la fournaise. Comme Chadrak, Méchak et Abed-Nego, ils peuvent dire à tout instant : « […] notre Dieu que nous servons peut nous délivrer : il nous délivrera de la fournaise ardente et de ta main, ô roi. Sinon, sache ô roi, que nous ne servirons pas tes dieux et que nous n’adorerons pas la statue d’or que tu as dressée » (Daniel 3.17,18, La Colombe).
William Blake, poète, visionnaire et artiste du 19e siècle, a écrit : « L’insensé ne voit pas le même arbre que le sage1. » Un autre auteur chrétien inspirant, le pasteur Richard Wurmbrand, a décrit cette réalité d’une manière intéressante dans son livre Victorious Faith : « Il était une fois un violoniste qui jouait si bien que tout le monde dansait. Mais un sourd, incapable d’entendre la musique, les croyait tous fous. Ceux qui souffrent pour l’amour de Jésus entendent une musique à laquelle les autres restent sourds. Ils dansent et font peu de cas des gens qui les croient dérangés2. »
Dieu promet à tous ceux qui suivent fidèlement Jésus de leur accorder une paix parfaite qui « surpasse toute intelligence » (Ésaïe 26.3; Philippiens 4.7). La paix qu’il donne ne découle pas de la logique, mais d’une perspective éternelle qui échappe à ceux qui ne connaissent pas encore l’amour abondant du Sauveur. Par conséquent, prions pour qu’une telle paix soit à leur portée, de sorte que même ceux qui tourmentent et persécutent des chrétiens se mettent à entendre la musique et à danser!
Dieu confie un appel important aux artistes, car notre imagination peut influencer notre capacité à sympathiser. Comme mon récit permet aux lecteurs de se faire une idée de ce que j’ai vécu, une imagination créatrice peut nous rendre plus compatissants et bienveillants, et nous ouvrir à l’émerveillement. Dans un monde rempli des prodiges de Dieu, de belles occasions, de dons et de talents, nous sommes-nous focalisés sur notre besoin de sécurité et même d’une paix factice? Avons-nous échangé le Grand Mandat ainsi que notre mandat culturel contre le bien-être? Songeons aux paroles du poème de SirFrancis Drake (ci-dessous) et demandons-nous ce qu’est la paix parfaite.
Dérange-nous,Seigneur,
Quand nous sommes trop satisfaits de nous-mêmes,
Quand nos rêves se sont concrétisés
Parce qu’ils étaient si accessibles;
Quand nous arrivons sains et saufs au port
Parce que nous naviguons trop près de la côte.
Dérange-nous, Seigneur,
Quand, en raison de l’abondance de nos biens,
Nous avons perdu notre soif
des eaux vives;
Étant tombés amoureux de la vie,
Nous avons cessé de rêver à l’éternité.
Notre vision des nouveaux cieux est devenue floue
Tandis que nous bâtissions une nouvelle terre.
Dérange-nous, Seigneur,
Puissent nos rêves être plus hardis,
Puissions-nous nous hasarder sur des mers houleuses
Où, perdant de vue la terre,
Nous verrons les étoiles.
Nous te prions d’élargir
Les horizons de nos espoirs
Et de nous faire affronter l’avenir
Avec force, courage, espérance et amour.
Nous t’en prions au nom de notre Capitaine,
Jésus-Christ3!
Notes de fin :
1 William Blake, The Marriage of Heaven and Hell, John W. Luce and Company, 1906 (https://www.gutenberg.org/files/45315/45315-h/45315-h.htm)
2 Richard Wurmbrand, Victorious Faith, New York, Harper & Row, 1975, p. 62
3 Sir Francis Drake, Disturb Us, Lord, 1577 (https://saltlightblog.com/2015/01/disturb-us-lord-prayer-by-sir-francis.html)